Boulangers en colère contre l'inflation : une profession à l'avant-garde des luttes sociales | TF1 INFO



Boulangers en colère contre l'inflation : une profession à l'avant-garde des luttes sociales

Ce lundi 23 janvier place de la Nation à Paris, une manifestation s'est tenue à l’appel du "Collectif pour la survie de la boulangerie et de l’artisanat".
Si on les voit très rarement dans les rues, les boulangers de France ont été depuis 1947 à l'avant-garde de nombreuses mobilisations et grèves, luttant pour défendre leurs intérêts économiques et sociaux, mais aussi ceux des autres.

Il faut sauver le soldat boulanger. Malgré les dernières annonces du gouvernement pour tenter d’apaiser la situation, avec l’instauration de nouvelles aides à l’énergie pour les TPE et PME, et l'instauration d’un nouveau tarif pour 2023 pour les très petites entreprises, les artisans boulangers se trouvent dans une situation compliquée face à la flambée des prix de l'énergie. 

Ainsi, ils était nombreux dans les rues de Paris ce lundi pour répondre, notamment, à l'appel du "Collectif pour la survie de la boulangerie et de l’artisanat". Et si cette mobilisation paraît singulière, tant la profession se faire rare sur le bitume, l'histoire démontre que les boulangers de France ont été à l'avant-garde de nombreuses mobilisations et grèves. 

Lutte contre la grande distribution

Dès 1947, les boulangers sont à l'origine d'un des plus gros mouvements de grève du XX siècle. La grève des boulangers parisiens est à l’origine de la grève SNCF, déclenchée le 2 juin 1947 dans les ateliers de Villeneuve-Saint-Georges par "quelques ouvriers qui n'avaient pu se procurer le pain de leur casse-croute". La France subit alors de graves pénuries alimentaires qui causent une inflation atteignant 60 % sur l'année. C'est le lancement du plan Marshall. 

Dans les années 1950 et 1960, les boulangers ont mené des grèves pour protester contre les politiques économiques qui ont entraîné une hausse des coûts des matières premières et une réduction des marges bénéficiaires. En 1955, on recense environ 55.000 boulangers pour 43,6 millions d’habitants. Les instances professionnelles déplorent la politique d’écrasement du prix du pain et les faibles marges. Si certaines subsistent, 1/4 des boulangeries sont en dessous du seuil de rentabilité. Les grèves de cette époque ont également été motivées par des revendications salariales et des demandes d'amélioration des conditions de travail. 

Les années 1970 ont vu l'émergence de nouveaux enjeux, notamment la concurrence de la grande distribution et de la boulangerie industrielle, qui a entraîné une baisse de la demande pour le pain artisanal. Les boulangers ont répondu en se regroupant en coopératives et en se mobilisant pour défendre leur profession, mais entre 1968 et 1975, 6786 boulangeries artisanales disparaissent.

Les années 1980 et 1990 ont été marquées par la crise économique et les réformes structurelles qui ont eu un impact sur l'industrie de la boulangerie. Les boulangers ont continué à se battre pour maintenir leurs marges bénéficiaires et pour protéger leur emploi, notamment en se mobilisant pour obtenir des aides financières et des subventions pour moderniser leur outil de production. À l'initiative de la profession, l'appellation "pain de tradition française" a d'ailleurs vu le jour à travers le décret n°93-1074 du 13 septembre 1993. L'objectif :  créer une norme pour la fabrication de la baguette de tradition française et lutter contre la concurrence de la grande distribution.

Dans les années 2000, les boulangers ont continué à faire face à des défis économiques et sociaux, notamment la pression de la grande distribution et la concurrence de la boulangerie industrielle. Cependant, ils ont également réussi à maintenir leur position en mettant en avant leur savoir-faire artisanal et en se regroupant pour faire face à la concurrence.

Une situation tendue depuis le Covid

En 2020, les boulangers ont été touchés par la crise économique liée à la pandémie de Covid-19, qui a entraîné une hausse des coûts des matières premières et des charges sociales. Les boulangers ont organisé des mobilisations et des grèves pour protester contre ces hausses, demandant une aide financière pour faire face à ces coûts supplémentaires et des mesures pour protéger les emplois dans l'industrie de la boulangerie.

En 2022, face à la crise énergétique et la hausse des prix de l'électricité et du gaz, les boulangers ont vu leurs coûts de production augmenter. Ils ont alors décidé de se mobiliser et protester contre cette hausse en réclamant des mesures pour soutenir l'industrie. Le gouvernement a mis en place de nouvelles aides à l’énergie pour les TPE et PME, et l'instauration d’un nouveau tarif pour 2023 pour les très petites entreprises, afin d’apaiser la situation, mais ce lundi, ils étaient dans la rue pour réclamer davantage d'aides. 

Les boulangers de France ont été à l'avant-garde de nombreuses mobilisations et grèves depuis 1950, luttant pour défendre leurs intérêts économiques et sociaux face à des défis tels que la concurrence de la grande distribution, la crise économique et les réformes structurelles. Ce fut d'ailleurs le cas en 1947 et 1995, les grèves ont permis aux boulangers de maintenir leur position sur le marché et de préserver leur savoir. 


Pierre Antoine VALADE


Source
close