Caves, hôtels et dégustations : les secrets de l'œnotourisme en Champagne - France Bleu



Caves, hôtels et dégustations : les secrets de l'œnotourisme en Champagne

On le sait, la Champagne est une région prisée des touristes en France. De janvier à octobre 2023, Epernay avait déjà accueilli plus de trois millions de touristes. Autre chiffre, rien que dans la Marne en 2022, l'agence de développement touristique du département compte 34 millions de visites (selon leur calcul, une personne qui vient plusieurs fois est comptabilisée à chacune de ses venues).

France Bleu Champagne-Ardenne a donc décidé de se pencher sur l'un des arguments de notre territoire : l'œnotourisme, à travers divers exemples pour comprendre le succès des visites de caves, de maisons ou de vignes.

Taittinger se réinvente

Depuis un an, la maison Taittinger ne propose plus de visite de ses caves classées au patrimoine mondial de l'UNESCO sur son site emblématique de Saint-Nicaise à Reims, pour cause de travaux. Pour patienter, une exposition intitulée "À la table de Thibaud IV" est proposée aux visiteurs. Comptez 60 euros pour une heure de spectacle. Au travers des musiques, des poèmes et des récits, chacun apprend l'histoire de Thibaud IV : "C'est une figure de la maison Taittinger, raconte la guide Géraldine Théron. On dit que c'est lui qui a ramené l'ancêtre du chardonnay pendant les croisades au XIIIème siècle."

À la fin des travaux, prévus en juillet 2024, tout changera. Retour à Saint-Nicaise. "On va enfin prendre pleinement possession des lieux", explique Vitalie Taittinger, la présidente de la maison. Il y aura notamment des visites de caves et la création d'un restaurant. Le but est d'aller vers davantage de sur-mesure : "Avant, on se concentrait sur la dégustation et il n'y avait qu'une seule visite, rembobine Audrey Malacain directrice de l'expérience chez Taittinger. Désormais, on proposera plusieurs visites et on réduira le nombre de visiteurs. Moins de monde, mais on prend plus de temps avec eux, donc ils ont une meilleure expérience et plus de chances d'acheter une bouteille à la fin."

Vitalie Taittinger et ses équipes veulent aussi répondre à une demande des visiteurs : "Ils arrivent en pensant que la maison est au milieu des vignes. On a tout reconstruit pour faire place à la nature." Taittinger espère accueillir 50.000 à 60.000 personnes par an à la fin des travaux.

Le grand projet de la maison Thiénot

C'est un immense bâtiment à l'abandon depuis 10 ans, en plein cœur de Reims, au 3 rue du Marc près de la place du Forum. La jeune maison de champagne Thiénot (créée en 1985) y travaille depuis septembre 2022. Le chantier est estimé à 15 millions d'euros. La livraison est prévue pour le premier semestre 2025, année des 40 ans des champagnes Thiénot. Une fois terminés, ces murs porteront un nom : "Le 3".

À l'intérieur du "3", l'œnotourisme prendra une forme différente à chaque étage. En bas, au sous-sol, un kilomètre de caves : "Certaines datent du XIIIe ou XIVe siècle, s'émerveille Olivier Lamaison, le directeur du 3. Les visiteurs pourront monter sur une estrade et admirer les 20 cuves de 50 hectolitres de champagne." Un étage au-dessus, voilà le cloître du rez-de-chaussée avec différentes expériences autour du champagne : "On n'en dira pas plus, il faut garder les surprises…" Au premier étage, c'est un hôtel : douze chambres cinq étoiles et un spa. Enfin, au sommet, une terrasse extérieure avec bar à champagne et une vue sur la cathédrale Notre-Dame de Reims.

"L'œnotourisme est en pleine expansion. On a pour objectif d'offrir un lieu unique aux visiteurs." D'ici l'ouverture en 2025, le "3" stockera 500.000 bouteilles de champagne Thiénot.

Mumm, in english please !

Chez Mumm, les visites de caves, on sait faire : les premières ont commencé en 1964. Depuis, tout s'enchaîne : 40.000 personnes par an, des visites toutes les demi-heures (sauf en hiver) 7j/7 et, chose remarquable, la moitié des visites est en anglais. Et pour cause : 60% des visiteurs sont des étrangers, alors la condition indispensable pour devenir guide est parler plusieurs langues. C'est le cas d'Eva, qui démarre sa première saison chez Mumm : "Je parle quatre langues : français, anglais, allemand et espagnol. J'ai dû travailler sur le vocabulaire. Par exemple un "millésime", en anglais, c'est "a vintage". Mais sinon, ce sont souvent des mots transparents comme "dégorgement" qui donne "disgorgement" en anglais."

Cela permet à une clientèle internationale d'avoir le même confort de visite : "C'est la force des polyglottes : ils peuvent transmettre la bonne émotion, peu importe la langue" se félicite Sophie Gosset, responsable des activités grand public chez Mumm.

Pour attirer une clientèle plus locale, la maison mise sur son opération "La Table des Chefs" lancée en mai 2023 : "Les gens du coin sont plus intéressés par ça, explique Sophie Gosset. Les chefs ont carte blanche, mais tous les menus s'accordent à nos champagnes. Ça permet de redécouvrir nos bouteilles." Tous les trois mois, un chef prend les commandes de la cuisine. Il y a eu les ex-candidats de l'émission Top Chef Mallory Gabsi et Florian Barbarot. La cheffe Kelly Rangama (une étoile au guide Michelin) propose en ce moment des menus allant de 55 à 210 euros.

Le vignoble autrement avec le bus à impériale de Marie-Antoinette Denois

Difficile de passer à côté de ce bus blanc haut de deux étages. Depuis 2016, il traverse l'avenue de Champagne à Epernay avant d'entamer son chemin dans le vignoble. Le tour avec dégustation coûte 65 euros. Il est possible de le privatiser pendant 3h pour 1.100 euros. À l'intérieur, Marie-Antoinette Denois, issue d'une lignée de six générations de vignerons, raconte mille et une histoires sur le roi des vins. Une autre manière de découvrir ce patrimoine : "J'imagine que le matin, les touristes ont visité une maison de champagne. Ils viennent dans mon bus pour souffler. Pas d'effort, il n'y a plus à marcher." Le programme varie quand même en fonction des saisons : en septembre, Marie-Antoinette propose de cueillir des grappes de raisin.

La balade est toujours accompagnée de musiques : "Dans le bus à impériale, il faut associer champagne, souvenirs et fête. C'est une boisson festive : c'est toujours meilleur quand on en profite avec d'autres gens. Comme quand on est amoureux : si vous mangez un croque-monsieur à deux, il vous paraît merveilleux." Dans les souvenirs de Marie-Antoinette, il y a par exemple ce couple de jeunes mariés venu célébrer son mariage : "Rien qu'eux deux dans le bus. Il a mis la musique sur laquelle il lui avait fait sa demande. C'était très émouvant."

Boizel, l'échelle du luxe dans les visites

Boizel est une vieille maison : créée en 1834, sixième génération, 500.000 bouteilles vendues par an. Et pourtant, les visites de cave sont récentes, puisqu'elles ont été instaurées en 2018. Au 46 avenue de Champagne à Epernay, le circuit est toujours le même : visite des foudres et des fûts puis descente dans les caves direction le trésor, où reposent une dizaine de bouteilles datant de 1834, l'année de la création de Boizel. Ensuite, retour à l'air libre et dégustation. Le prix de la visite varie en fonction de la dégustation finale : de 40 à 60 euros. À chaque fois, ce sont des groupes de douze personnes maximum.

Pour 120 euros par personne, on passe à la visite privée. "C'était une demande de nos clients, se rappelle Florent Roques-Boizel, le président des Champagne Boizel. On était victime de notre succès, on était toujours complet. Là, on répond à un souhait pour les familles, les groupes d'amis ou les entreprises." Pas plus de huit visiteurs et les guides, comme Leire Cobo-Gastiasoro prennent le temps : "Ils peuvent poser toutes les questions qu'ils veulent. À la fin, on fait déguster plus de champagnes." Sur l'année 2023, plus de 10.000 touristes sont descendus dans les caves de la maison Boizel. La période d'accueil est de plus en plus longue : de mai à octobre.

L'exposition plus que le champagne chez Pommery

Impossible de passer à côté de ce château bleu de Reims : le domaine Pommery est une institution de l'œnotourisme. La maison estime accueillir 180.000 visiteurs pour l'année 2023. Certains viennent évidemment pour déguster un peu de champagne en fin de visite, mais d'autres viennent pour l'art. Depuis mai 2023, une exposition est consacrée à Louise Pommery, surnommée la "Veuve Pommery". C'est elle qui a repris la maison à la mort de son mari en 1858 : "Elle a tout inventé du monde du champagne d'aujourd'hui, expose Nathalie Vranken, la patronne du domaine. C'est elle l'inventrice du premier champagne brut, en 1874." Les 600 m2 d'exposition permettent de retracer l'histoire de Louise Pommery, en passant au travers de robes d'époque, de portraits, de mobiliers, d'œuvres d'art contemporain, etc.

Cette année, le domaine Pommery a aussi construit un bar à champagne en extérieur, ouvert du 24 novembre au 24 décembre. "C'est surtout là pour amuser les gens. Certains s'arrêtent, boivent un verre et repartent. Ils viennent pour la mise en scène de Noël. On verra comment on innove l'année prochaine !", conclut Nathalie Vranken.

Les lumières de Noël chez Jacquart

18h, 34 boulevard Lundy à Reims. Une façade s'illumine. C'est celle de la maison de champagne Jacquart. Un spectacle gratuit de lumières pendant 4h, jusqu'au 7 janvier 2024. Malgré le froid, il y a souvent des curieux devant les grilles pour "Mosaïque en lumière". "C'est une demande de nos salariés, confie Sébastien Briend, le directeur général délégué du champagne Jacquart. Ils voulaient plus de communication pour les locaux. Il faut dire que 70% de nos ventes sont réalisées à l'international."

Cette volonté de se montrer est récente chez Jacquart. "Ce sont nos bureaux sur le boulevard Lundy, d'ordinaire fermés au public. Depuis trois ans, on ouvre pendant les journées du patrimoine." La maison s'y est installée en 2009, depuis son déménagement du bâtiment devenu la salle de spectacle "Le Cellier". Avant, pour goûter un peu au monde Jacquart, il fallait se rendre dans l'un des 60 villages où se sert la maison en raisin pour ses champagnes.

L'histoire d'amour entre les stars et le champagne

Le dernier en date s'appelle Floyd Mayweather, légende américaine de la boxe : 50 combats, 50 victoires. Après avoir mis fin à sa carrière en 2017, il a officiellement lancé sa cuvée en 2023, baptisée "Le Bon Argent". Un champagne élaboré avec la maison Charles Ellner. Pour l'instant, ces bulles sont essentiellement vendues aux Etats-Unis, entre 140 et 160 dollars.

Avant lui, une flopée d'autres stars s'est lancée dans l'aventure, dont l'acteur américain Brad Pitt et son champagne "Fleur de Miraval", boisson officielle de la cérémonie des Oscars en 2023. Leonardo DiCaprio s'est engagé avec la maison Telmont. Depuis, la maison basée à Damery se donne une image plus respectueuse de l'environnement : "J'ai rencontré Leonardo il y a une quinzaine d'années, se souvient Ludovic du Plessis, président de la maison Telmont. Il est très engagé sur les questions liées au dérèglement climatique. Nous aussi. On a par exemple réduit le poids des bouteilles à 800g, on a arrêté les bouteilles transparentes car fabriquées sans verre recyclé, on ne fait plus de coffret cadeau et on passe tout le domaine en bio." Dès 2009, le groupe LVMH avait lui aussi fait appel à une star de cinéma pour devenir l'égérie de Moët & Chandon : Scarlett Johansson.

Le monde de la musique n'y échappe pas : Mariah Carey et sa bouteille "Angel", Jay-Z et sa passion pour le champagne Armand de Brignac ou encore Lady Gaga et sa collaboration avec Dom Pérignon.

Mariah Carey - Angels Cry (Official Music Video) ft. Ne-Yo

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