Foie gras, saumon fumé, recettes traditionnelles… Dans les Landes, la Maison Barthouil fait de la gastronomie un vrai patrimoine



Revenir en visite dans les ateliers de la Maison Barthouil, sise à Peyrehorade, dans les Landes, depuis 1929, c’est se souvenir des mots de Tancredi Falconeri, le personnage incarné dans « Le Guépard » par Alain Delon : « Si nous voulons que tout reste tel que c’est, il faut que tout change. » Ainsi, ce sont désormais deux femmes – Guillemette et Pauline – qui incarnent l’image d’un savoir-faire d’excellence acquis par leur père, Jacques, à la suite de leur grand-père, Gaston, dans la confection de foie gras et de saumons fumés.

« Papa a été malin. Il ne nous a rien imposé. Mais, dès l’enfance, on l’accompagnait au fumoir, à sentir l’odeur du bois d’aulne qui se consume, à goûter un morceau de foie gras », confesse Guillemette. À 34 ans la directrice générale, chargée de l’élaboration des recettes de la Maison Barthouil, partage avec son aînée de 39 ans, Pauline, d’avoir forgé son goût ailleurs, avant de constater qu’au fond, il n’est d’autre pays que l’enfance. « Je voulais vivre une vie d’expatriée », explique cette dernière, désormais chargée de la commercialisation et du marketing des produits élaborés à Peyrehorade.

Le tarama d’œufs de cabillauds fumés est devenu le troisième pilier de la Maison Barthouil, conserveur et fumeur de saumons.
Le tarama d’œufs de cabillauds fumés est devenu le troisième pilier de la Maison Barthouil, conserveur et fumeur de saumons.

Isabelle Louvier/ « SUD OUEST »

Ingénieure agronome de formation, Pauline a fait son retour sur les bords des Gaves réunis après de premières expériences professionnelles en Amérique Latine. Guillemette l’a rejointe voilà sept ans, suite à une aventure de trois ans à Copenhague, dans le laboratoire du Noma, le restaurant de René Redzepi. Cette appétence pour la cuisine, la cadette des deux sœurs le cultive depuis ses études à l’Université des sciences gastronomiques, fondée à Pollenzo, en Italie, par le mouvement culinaire Slow Food, prolongées à Paris par un master en géographie de l’alimentation.

Géographie de l’alimentation

« Le saumon de l’Adour, c’est l’histoire de la Maison Barthouil. Elle n’aurait évidemment pas acquis sa renommée si mon grand-père n’avait pas commencé à les fumer comme on le faisait au Danemark », rappelle Guillemette. Dans les fumoirs, le nombre de poissons pêchés dans le fleuve voisin est sans commune mesure avec celui du siècle dernier. Leur présence est devenue une exception, face à la centaine de tonnes de poissons fumés annuellement chez Barthouil, après avoir été élevés, ou pêchés, en mer Baltique et en Norvège. « On a aussi une ferme bio, en Écosse, qui nous fournit également des truites », précise Pauline.

Les saumons de la Maison Barthouil sont fumés avec des copeaux de bois d’aulne, récupéré chez un sabotier voisin du Pays d’Orthe.
Les saumons de la Maison Barthouil sont fumés avec des copeaux de bois d’aulne, récupéré chez un sabotier voisin du Pays d’Orthe.

Isabelle Louvier/ « SUD OUEST »

« Continuer à chercher, être dans le petit détail, sans changer notre savoir-faire, cela nous permet d’encore nous améliorer »

Parce que chaque variété donne « une diversité gustative » qui lui est propre, « des saumons venus d’un élevage de Normandie » ont enrichi depuis ce mois de septembre leur gamme de saumons fumés. Quand on évoque leur thon de Saint-Jean-de-Luz et leurs anguilles – fumées – en exemple de diversification, les deux sœurs rectifient. « On ne sortira pas de l’histoire et des classiques qui ont fait cette maison. Mais, continuer à chercher, être dans le petit détail, sans changer notre savoir-faire, cela nous permet d’encore nous améliorer. »

À la royale

Au moment où manger du foie gras est devenu un acte politique, il est rassurant de savoir que ce conserveur a été reconnu, l’année dernière, comme faisant partie des entreprises du patrimoine vivant (EPV) de France. Au service de la gastronomie, les deux sœurs Barthouil font également parler d’elles, cet automne, au travers de la mise en circulation d’une terrine de lièvre à la royale. Yves Camdeborde et Laurent Mariotte en ont fait leur goût de la semaine. « La sauce est liée au vin, il y a 20 % de foie gras au cœur. J’ai adapté la recette du lièvre à la royale façon Ali-Bab à une conserve », dévoile Guillemette, sa créatrice.

« J’ai adapté la recette du lièvre à la royale façon Ali-Bab à une conserve. »

Cette recette s’inscrit à la suite de celle de la terrine de foie gras grillé, transmise par Alain Dutournier à Jacques Barthouil. Comme toujours, le foie provient de canards élevés en autarcie, dans l’une des cinq fermes où le conserveur s’approvisionne. Il est encore travaillé à froid, tandis que les viandes maturent sur leurs carcasses une semaine durant.

Fumage à la carte

Une même durée est nécessaire afin que le saumon frais soit préparé et fumé, à la carte, dans cet atelier où 35 employés se refusent de céder à l’accélération des temps. On aurait tort, pourtant, de croire que les sœurs Barthouil entendent rester figées sur ces phares que sont le saumon et le canard.

Les portes ouvertes de la Maison Barthouil, ce 18 novembre 2022, ont permis aux gastronomes d’assister à la découpe de canards gras.
Les portes ouvertes de la Maison Barthouil, ce 18 novembre 2022, ont permis aux gastronomes d’assister à la découpe de canards gras.

Isabelle Louvier/ « SUD OUEST »

« Le tarama qu’a commencé à préparer papa à un retour d’un voyage en Grèce est devenu le troisième pilier de la maison », affirme Pauline Barthouil. Avec 70 % d’œufs de cabillauds d’Irlande, salés et fumés dans les ateliers, la recette se décline sous diverses saveurs. Une excellente façon de découvrir l’essence de la Maison Barthouil, où la tradition se fait sans conservateur.


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