La série gastronomique de l’été se poursuit sur Radio Prague avec aujourd’hui un plat traditionnel et familial, la svíčková. Un plat en sauce à base de viande de bœuf et de légumes, agrémenté comme il se doit des non moins traditionnels knedlíky, ces boulettes de pâte à la vapeur dont raffolent les Tchèques.
La cuisine tchèque, très influencée par la gastronomie de tradition germanique, n’est pas réputée pour sa légèreté. Adeptes du régime crétois, passez votre chemin : la svíčková, le plat que nous vous proposons de découvrir aujourd’hui a, a priori, tout d’une bombe calorique, comme le reconnaît lui-même en partie Marek Janouch, chef de la chaîne de restaurant Lokál, qui propose des spécialités tchèques :
« C’est une bombe calorique, mais surtout si vous épaississez la sauce avec de la farine. Ensuite, forcément, c’est consistant et ça vous reste sur l’estomac. Mais si comme moi, vous n’épaississez pas, vous ne mettez pas trop de crème, juste à la fin, et que vous ne mangez pas huit knedlíky avec, alors ce n’est pas forcément une bombe calorique. Je pense que certains plats qu’on imagine peu caloriques peuvent l’être beaucoup plus que la svíčková. »
Autrement dit, et on ne le répétera jamais assez, tout est une question de mesure : la sauce crémeuse, les knedlíky et la viande que composent ce plat, tout ceci peut être consommé sans hésiter, mais avec modération donc. Une devise que ne renierait pas la Française Mireille Giuliano, auteure d’une bible culinaire sur la capacité des Françaises à manger sans grossir à destination des Américaines.
Mais revenons à la recette de ce plat : les tchécophones auront peut-être discerné le terme svíčka, soit la bougie, dans le mot svíčková. Deux explications sont avancées quant à l’origine. La première, c’est que ce morceau, le filet de bœuf en français, partie maigre et noble de l’animal, a la forme d’une bougie. La seconde, moins prosaïque, fait remonter les origines au Moyen-âge : une des obligations du chef de la guilde des bouchers était de préparer une fois l’an un dîner pour ses compagnons. Un dîner qui se déroulait à la lumière des bougies et lors duquel on servait un rôti de bœuf préparé à partir d’une pièce située sous l’échine.
L’aspect festif de ce plat est d’ailleurs toujours bien présent aujourd’hui, puisqu’il est en général servi lors de repas familiaux ou pour de grandes occasions comme un mariage par exemple. Aujourd’hui, le filet de bœuf, trop onéreux pour être utilisé dans des plats mijotés et à juste titre préféré en steak, n’est guère plus usité. On lui préfère le faux-filet ou une autre pièce postérieure de l’animal. Sur une base d’épices comme le poivre, le thym, le laurier, la viande est cuite avec des oignons et des légumes de type carotte, céleri, persil, moulinés et mélangés avec de la crème. Clé de la réussite de la svíčková, la sauce demande une attention toute particulière, comme le rappelle Marek Janouch :
« Le plus important c’est d’avoir une bonne base de légumes et de la viande de qualité. Il faut bien faire revenir les légumes et prendre son temps, rajouter même un peu de zeste de citron, et faire mijoter la viande dedans. Idéalement, on laisse mijoter jusqu’à mi-cuisson, on laisse refroidir la viande dedans pour la laisser s’imprégner des goûts, et le lendemain on termine la cuisson. »
Comme souvent avec les recettes traditionnelles, vous ne trouverez pas une façon unique de cuisiner la svíčková : il y a sans doute autant de recettes de la svíčková que de cuisiniers, comme le rappelle Marek Janouch quand on lui demande si ce plat est toujours aussi populaire :
Avec la canicule actuelle, on ne sait trop si recommander la svíčková est vraiment judicieux de notre part, mais dès les premiers frimas, la perspective d’un plat crémeux et roboratif semble bien plus alléchante. Suivant le conseil du chef cuisinier du restaurant Lokál, on évitera sans doute d’abuser des knedlíky qui l’accompagnent, mais on appréciera à coup sûr la touche finale savoureuse de ce plat en sauce : la svíčková est en général agrémentée d’une petite cuillerée d’airelles confites, donnant une touche automnale et un petit air de venaison à l’un des plats favoris des Tchèques.