Voyage au cœur des crayères de la Maison Ruinart à Reims



Passer le seuil de la porte de la Maison Ruinart, c’est faire un pas dans l’histoire de la région. Pour toucher du doigt cette histoire, nous allons aujourd’hui nous glisser dans la peau d’un visiteur qui découvre pour la première fois le passé et le décor de la maison de champagne. « La seule dont les caves sont à la fois classées monument historique et inscrites sur les listes du patrimoine mondial de l’Unesco », confie Isabelle Champeaux, chargée de Patrimoine chez Ruinart et notre guide du jour. Elle nous a reçus quelques minutes auparavant dans un des salons de réception du domaine.

Pour apprécier la visite, il convient avant tout de s’approprier le passé de la plus ancienne des maisons de champagne. Isabelle Champeaux traverse alors les époques avec la passion communicative qui la caractérise. Rien n’est laissé au hasard, de la « création de la maison le 1er septembre 1729 par Nicolas Ruinart » jusqu’au retour des étuis seconde peau « plus respectueux de l’environnement » depuis quelques années, en passant par la naissance du champagne. Après avoir fait travailler l’ouïe, il est temps de faire travailler la vue, le toucher et l’odorat en s’enfonçant dans les entrailles de la butte Saint-Nicaise et ses caves historiques.

Les larges allées des 8 kilomètres de caves que possède Ruinart sont habillées de bouteilles sur la droite comme sur la gauche, du sol jusqu’au plafond. La visite bascule alors subitement dans la magie, lorsque l’on atteint les anciennes carrières de craie. De forme pyramidale, la première crayère est large de plusieurs mètres au sol. Elle se rétrécit ensuite peu à peu, pour ne finir par laisser qu’un étroit passage hexagonal jusqu’à l’air libre. Les murs blancs portent les marques des pioches des carriers, les crayères ayant été creusées à la force des bras à une époque où la pelleteuse n’était qu’un rêve et où la lampe torche s’appelait bougie. On parle là d’une période qui s’étend du Moyen Âge à la fin du XIXe siècle.

L’atmosphère est rendue humide par ces murs de craie dont la porosité fait toute la richesse du sol de la région. « On est au cœur même du terroir champenois. C’est cette craie qui nourrit le raisin et lui permet de développer les arômes que l’on recherche dans nos vins. C’est aussi une éponge naturelle, donc nous n’avons même pas besoin d’irriguer nos vignes », explique Isabelle Champeux.

Alors que l’on traverse un nouveau couloir, notre guide nous prévient : « Là, ça va être le wahou effect. » Elle ne se trompe pas, la seconde cave, recouverte de son mateau de craie, est majestueuse. Haute ou profonde de 30 mètres, selon le point de vue, elle accueille quelques dizaines de pupitres dédiés au remuage des flacons. « Comme les galeries sont moins larges que sur la partie moderne, les remueurs viennent de façon pédestre pour remuer les flacons », complète notre guide. Une statue de Saint-Remi, l’archevêque qui a baptisé Clovis à la fin du VIe siècle à Notre-Dame de Reims, garde en permanence un œil sur cette cathédrale souterraine.

La visite se poursuit au travers d’une troisième crayère, puis d’une quatrième qui accueille un spectacle de sons et lumières baptisé Retour aux sources. « L’œuvre est pilotée par l’intelligence artificielle, elle diffuse des lumières différentes selon les données récoltées chaque jour par des capteurs disposés partout dans le vignoble », nous éclaire Isabelle Champeaux. Des frissons.

Bien que notre guide reste intarissable sur les caves de sa Maison, le temps est venu de quitter ce patrimoine rémois afin d’en déguster un autre et d’enfin combler notre cinquième sens.


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